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La beauté des couleurs

Note d'intention

Et si la beauté des couleurs, c’était celles et ceux qui les regardent ?

Dans cette histoire de couleur préférée, il y a la question passionnante, philosophique, classique, du jugement de goût. Question complexe c’est vrai, mais qui peut toucher directement un public jeune, voire très jeune, par quelques angles judicieux :

Qui sait aujourd’hui ce qui est digne d’être porté (vestimentairement parlant, en dehors d’Anna Wintour et autres sapeur.se.s, influenceur.se.s) ?

Qui sait reconnaitre le « bon goût » et le « mauvais » ?

Qui sait parfaitement comment il convient de parler en toute circonstance ?

Qui saura nous dire ce qui est beau ?

Qui peut faire ça sans se tromper ?

(Existe-t-il comme chez Proust, des « professeurs de beauté » ?)

Qui n’est jamais ridicule ?

D’ailleurs, avoir raison, dans une cour d’école ou chez soi, est-ce juste avoir assez

de talent pour convaincre les autres ?

Une toute dernière :

Un simple questionnaire suffira-t-il à faire de vous une fraicheur ?

Il n’y a pas d’âge pour s’interroger sur ce qui plait. Sur les apparences. Sur ce qu’on est prêt ou non à assumer. Sur son propre goût et ce qu’on pourra, ou non, concéder aux autres. Pas d’âge non plus pour interroger sa singularité face à la rumeur, face aux normes, face au groupe et ses attentes. Dans Ma couleur préférée, on outrepasse vite la simple question esthétique : c’est de tout le sensible qu’il s’agit. Ça brasse des questions d’identité à soi, philosophiques, politiques : Interroger sur ce qui décide du beau et du laid, du conforme et de l’informe, de l’original, du monstrueux… Questionner les habitudes, les usages.

Il n’y a pas d’âge pour se demander pourquoi certain.e.s méritent à ce point d’être aimé.e.s, admiré.e.s, quand d’autres ne récoltent que moqueries et pelletées de cailloux…

D’autant que les rôles peuvent s’inverser... les popularités changent vite de camp…

En débattant sur les couleurs, trois jeunes personnages très complices au départ, au point qu’ils pensent « ne faire qu’un », voyagent dans l’Histoire. Partis tous les trois à la recherche de la-plus-belle-couleur-au-monde-et-de-tous-les-temps, bien décidés à la ramener chez eux pour changer leur déco, chemin faisant, ils s’embrouillent, se séparent.

Ils interrogent et confrontent leurs subjectivités, leurs sensations premières, « primaires ». On progresse d’un étonnement à l’autre, on prend position, on fait des pauses, rebrousse chemin, on surfe sur des contenus (on est au 21ème siècle), on hésite, fait des sorties de route, on se rue à fond et explose les obstacles. On s’étonne et apprend avec eux.

Un tsunami de beautés colorées déferle sur leurs subjectivités qui s’opposent. On n’est pas en train d’hésiter chez Ikea entre deux concepts store…

Beauté multiples, insaisissables, celles qu’offrent la nature et les œuvres, mais aussi les hommes, l’Histoire. Les opinions se troublent, se confrontent et s’affinent, les couleurs défilent dans leur diversité infinie.

On fait aussi la curieuse (mais vertueuse) expérience de ne pas être d’accord… avec soi-même.

Ces délibérations sur la couleur et sa préférence montrent l’importance de communiquer et d’insister sur la sensation, même quand elle est confuse.

L’importance d’argumenter, de communiquer tout court – et qu’à justifier un sentiment personnel, le confronter aux autres, on l’enrichit toujours, quitte à lâcher prise quelquefois.

« Tous les jugements de goût sont recevables, du moment qu’ils peuvent tous être discutés. »

Ce sera l’occasion de rendre leur noblesse au sensible et aux sens, au concret – pourquoi pas au prosaïque ? Au goût prétendument « mauvais » ? :

J’aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d’église, livres érotiques sans orthographes, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l’enfances, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs Dans cette odyssée esthétique, menée au fil du cercle chromatique, toute beauté devient indécise et troublante, mystérieuse et mouvante. Floue. Car tout comme la couleur, la beauté ne se réduit à aucun objet, aucun récit ni généalogie définitive, à aucune propriété fixe des choses qu’il suffirait de trouver et emporter avec soi, pas plus qu’à un savoir.

Et si la beauté, c’était le débat ?

Si la beauté c’était ne jamais être d’accord ?

Et si la beauté des couleurs était chez celles et ceux qui les regardent ?

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